Edgar Oppenheimer
Bienvenue
À travers mes publications, je vous propose une lecture critique des mutations de notre société, pour offrir aux lecteurs des clés de compréhension pour appréhender les enjeux de notre temps.
Quel est notre futur ? (La NEF)2021
Edgar Oppenheimer explore à travers ses écrits les dynamiques sociales, politiques et culturelles qui façonnent notre époque. Son travail, marqué par une réflexion approfondie et une plume incisive, s’inscrit dans des revues de référence ainsi que dans des ouvrages qui interrogent notre rapport à l’histoire et au pouvoir.
Il a collaboré à plusieurs numéros de la revue La Nef, notamment L’Homme et sa Ville (1977, éditions Jules Taillandier), une analyse des interactions entre l’homme et son environnement urbain, un ouvrage salué par Jacques Chirac. Plus récemment, il a participé à la nouvelle version de La Nef en rédigeant Les célèbres « en même temps » d’un Président Jupitérien (Ramsay, 2021), un article politique décrivant les paradoxes du pouvoir et les stratégies rhétoriques de la présidence française contemporaine.

LA FONTAINE : FABLE INÉDITE
Les célébres “En même temps” d’un président jupitérien
Il était une fois par son célèbre “en même temps” un président jupitérien”
Élu par défaut “capitaine” d’un pays dont, il était, tel Zeus, censé vouloir le bien.
Héritant d’un “Vaisseau fantôme”, il se retrouve timonier par ruse
Avant qu’une vague ne transforme ce “bateau ivre” en “Radeau de la méduse”.
(Par sa feuille de route, il croyait concilier la concordance des temps du “futur intérieur”. Avec la réalité publique d’un ” futur intérieur”.)
Grâce à ces deux dogmes, nul ne se souciait qu’un tel Roi fût nu.
Et que sa gouvernabce, faute de prévoyance ait d’autres vertus.
Il en est donc ainsi quant à l’esprit du texte
Découvrons maintenant la morale du pretexte.
Car ce Jupiter, s’étant posé à l’égal d’un Dieu
Ni maîtres, ni disciples ne trouvaient faveur à ses yeux.
Diantre ! Quelle épreuve de plus pour ce brillant amateur
Que de parer aux menaces avant d’en savoir l’heure.
Mais point de quoi pester pour qui est Jupiter contre si menu contagion.
Jupiter en Zeus déguisé adoubait son « bon peuple » féru de tradition.
Se croyant thaumaturge comme les Rois de droit divin.
Il craignait qu’on le découvre faillible ou trop humain.
Le rôle de factotums seyait aux membres de son « Conseil »
Ministres, figurants, favoris, au Palais des strapontins vermeils.
Les ors du Pouvoir blanchissaient ces élus courtisans
Ayant pour seule mission de savoir tous mentir, en même temps.
De décrets,faisant fi, on se passe d’institutions
Nécessité faisant loi, on invente chaque jour de nouvelles punitions.
Fi de la détresse du peuple, à qui cherche bouc émissaire
Confinement, confiscations, fermetures sont érigés en cache misère.
Les citoyens payaient cher les mensonges de ces “élus” au secret
Gagnant droit de travestir leurs errements en ouvrage bien fait.
Pour tous ces petits marquis vint de quoi les occuper : Ah, la guerre ! : un virus
Voilà qui exigeait plus qu’un conte pour obtenir quitus.
Pour tenir l’état les rênes, quel qu’en fût le prix
Les planches à billets restent en pareil cas les meilleurs outils.
Si demain s’annonce pire qu’aujourdhui, d’évidence fatal
Le choix d’une gouvernance relève du syndrome médical.
Le virus narguait, déguisé, mutait en se multipliant
Ce cancrelat rebelle se montrait trop liant.
D’un jour à l’autre, les règles du jeu, faute de règlement
Changeaient, à discrétion de ces princes peu charmants.
Transgressions et festins pour élus de leur coeur, ils ripaillaient
Laissant miettes de pain noir et votants à ceux qui plus rien n’avaient.
Jusqu’au jour où c’en fût trop ! Assez de siffisance
À quel nouveau fléau accorder sa proche danse.
Bas les masques (encore fallait-il en avoir), ils se laissèrent moins contaminer
Que par tous ces grands experts défilant en menteurs, si fiers de leur faux-nez.
Oyez braves gens, les initiés affinaiet leurs prédictions
Chassant les insoumis, les miséreux, les trublions.
Plus : les descendants d’Hippocrate parjuraient leurs serments
Tels de faux prophètes, les plus hypocrites se dévoilant.
Toujours faut-il une morale, Esope ?
“Il faut, quelle que soit l’époque, que de braves gens écopent.”
Les puissants de ce monde seront toujours intouchables
Donnant de l’art du pouvoir une version misérable.
Mais ne nous éloignons pas du sujet, lecteurs
Pour le futur protégeons-nous autant des virus que des amateurs.
L'homme et sa ville
La NEF (1977)
Ont collaboré à ce numéro :
• Jacques Chirac
Né le 29 novembre 1932 à Paris. Elève à l’École nationale d’Administration (1957-1959). Conseiller référendaire à la Cour des Comptes (depuis 1965). Député Vº République de la Corrèze (3°: Ussel) (mars-mai 1967). Secrétaire aux Affaires sociales, chargé des problèmes de l’emploi (4 cabinet G. Pompidou, 7 avril 1967-31 mai 1968). Conseiller général du canton de Meymac (1968,réélu en 1970) et président du conseil général de la Corrèze (depuis 1970). Conseiller. principal de Sainte-Féréole (depuis 1965). À nouveau député U.D.R. de la Corrèze (23 juin-12 août 1968). Secrétaire d’Etat à l’Economie et aux Finances (4 ème cabinet G.Pompidou, remanié 31 mai-10 juillet 1968, cabinet M.Couve de Murville, 12 juillet 1968-20 juin 1969 et cabinet J.Chaban-Delmas, 22 juin 1969-7 janvier 1971, puis ministre délégué auprès du Premier ministre chargé des relations avec le parlement (cabinet Chaban-Delmas remanié (8 janvier A971-5 juillet 1972). Ministre de l’Agriculture et du Développement rural (cabinet P.Messmer, 6 juillet 1972). Premier ministre du 27 mai 1974 au 25 août 1976 Président du R.P.R. depuis le 5 décembre 1976.
• Edgar Oppenhelmer
Né à Paris en 1948. Journaliste, auteur de scénarios. Ancien chargé de cours à l’université de New York à Paris. Professeur de lettres, directeur-fondateur de l’Institut privé de Pédagogie active.
• Jean David
Né en 1924 dans le Finistère. Mène de pair une activité de fonctionnaire des collectivités locales et d’écrivain. Après avoir été, notamment, secrétaire de la ville de Troyes, est actuellement directeur adjoint du Centre de Formation des Personnels communaux. A publié neuf romans et un essai politique et est l’auteur de nombreux articles et consacrés à la lutte pour la reconnaissance de l’originalité de la fonction publique locale, par opposition à la fonction politique de l’Etat et du rôle qui doit être le sien dans la société d’aujourd’hui. Il vient de publier aux éditions du Seuil un roman : l’Effraction et prépare un ouvrage dont le titre provisoire est : la Commune médiatrice.
• Jean-Pierre Fourcade
Né le 18 octobre 1929 à Marmande. Elève à l’Ecole nationale d’Administration (1952-1954). Inspecteur des Finances (19541973). Chargé de mission au cabinet de V. Giscard d’Estaing (secrétaire d’Etat aux Finances, 1959-1961). Directeur général adjoint (1970), puis directeur général (1972-1974) et administrateur (1973- 1974) du Crédit industriel et commercial. Ministre de l’Economie et des Finances (cabinet J. Chirac). Ministre de l’Equipement (cabinet R. Barre).
• Alexandre Gouber
Commentateur économique de l’agence de presse Novosti.
• René-Victor Pilhes
Né à Paris en 1934. Ecrivain, publicitaire. Œuvres : la Rhubarbe (prix Médicis, 1965), le Loum (1969), l’Imprécateur (prix Fémina, 1974).

Paris Outre-Seine
Edgar. Oppenheimer
PARIS, c’est Babylone, le risque, la ville des tentations, celle où tout est possible pour les Rastignac en herbe, la cité mystérieuse, celle d’Eugène Sue et de Fantômas. Paris, c’est ce cortège d’édifices qu’on regarde de haut, qu’on reconnaît de loin, mais qui ne laisse découvrir que ses toits célèbres du haut de la tour Eiffel qui ressemble à un portrait officiel illustré en esperanto.
Il existe des itinéraires par lesquels pénétrer dans certains lieux : le clocher sur la place, le café de la grand-rue, l’hôtel près de la gare sont autant de décors qui permettent de situer l’action, le faubourg, le village, la ville, la France ont une certaine idée qu’on s’en fait. Sur la place, à certains heures, tout un petit peuple se retrouve avec ses habitudes, on surprend au café l’information du jour, on accompagne à la gare celui qui part, on attend celui qui ne revient pas, on consulte les correspondances et les horaires des cars.
DES ECRIVAINS AU FIL DES RUES
Pour découvrir Paris, l’itinéraire suit presque toujours les mêmes traces. La littérature et le cinéma prennent leurs repères sur Notre-Dame, l’arc de Triomphe ou la tour Eiffel, autant de monuments commémorant l’avènement du Christianisme, du Bonapartisme et du Progrès. Mais à Paris, des monuments, les attardés sont des touristes, les promeneurs des anonymes, l’information locale devient l’actualité du monde.
Quel itinéraire emprunter pour pénétrer dans ce musée en labyrinthe où, pour toute une tradition d’écrivains, Paris ressemble à une toile d’araignée avec ses perspectives en trompe-l’œil et ses monuments kaléidoscopiques et, une fois engagés sur le trajet—qui mène vers où et vers qui ? —, Paris ne reste-t-il que le décor d’un scénario qui se termine en dérive, en musique , en départ ou en drame ? La gloire passée des ruines bâtit souvent le destin aux yeux des historiens et des poètes, et il serait possible de remonter la Seine jusqu’à Villon et Notre-Dame, d’écouter les Parisiens de Marivaux ou de lire la correspondance de Camille Des-moulins; mais ce qui nous intéresse ici, c’est une lignée d’écrivains qui ont recherché dans Paris ce lieu où le visible et l’invisible se rejoignent. Non pas les romantiques qui essaient d’échapper à la ville comme les bateliers à la Lorelei ou parce que l’inspiration est selon eux dans la nature, mais des écrivains qui, plutôt que de fuir, décident de gagner, de mériter de vivre Paris, l’intégrant à la vie et à l’oeuvre.

Non pas les amoureux de Montmartre ou du quartier Latin remontant les quais tels Apollinaire ou Carco du pont Mirabeau à la passerelle des Arts à la recherche d’une mémoire perdue, mais une tradition d’écrivains découvrant un Paris outre-Seine, qui ne se compare à rien car il est ailleurs, un Paris qui jette sur certains édifices une ombre qu’eux-mêmes, tel Chamiso, poursuivent, comme si c’était la leur et qu’elle leur échappait, une tradition d’écrivains inquiets de déchiffrer les traces qui se surperposent ou s’éffacent comme sur un palimpseste, et qui poursuivent leur destin à travers les rues, la rue qui multiplie le hasard en autant detrajets er de silhouettes qu’il y a de secrets, long travail de patience qui s’apparente à un puzzle jamais recomposé.
LA VILLE MAGIQUE
Conçue par les hommes pour eux-mêmes, la ville se présente comme une continuelle conquête sur la nature et cela aussi bien sur un plan spatial — la forêt recule encerclée sous forme de squares et de jardins publics — que sur un plan temporel — que reste-t-im de l’annonce du printemps et des traces de l’automne ? Aux feuilles mortes et aux bourgeons ont succédé d’autres indices, telles l’ouverture et la fermeture des terrasses ou la coloration des vitrines qui virent du beige au mauve. Que reste-t-il des semences, de l’attente et du symbole de terre en germe, celui qui gratte le sol découvre les égouts, ville sous la ville, labyrinthe parallèle. LA ville gomme cycles et saisons et même ne tombe pas toujours, trompée par les lumières. Elle invente ses fêtes et choisit son décor, elle recompose un clendrier au ryhtme des expositions et des premières ; ses saisons ne sont plus que théâtrales ou cinématographiques.Derrière les artifices il y a pourtant la vie. La villea ses artères, ses voies de circulation, son ventre, elle respire comme une personne; elle a ses coiffes, elle se regarde comme une femme, et comme une femme elle laisse des regrets. J’ai des souvenirs de villes comme on a des souvenirs d’amour (Larbaud), et comme une femme il faut la forcer à dire et à montrer ce qu’elle cache à certains ce qu’elle tait à d’autres. Il faut la séduire, la conquérir, la mériter. Mais la quête est longue, ainsi celle de Nerval à la recherche d’un message brouillé et qu’il faut décoder. Paris murmure mais seuls les initiés devinent sur ses lèvres. Peut-être existe-t-il un trajet exemplaire, aussi l’auteur des Filles du feu part-il derrière la porte Saint-Martin rechercher la Corne d’ivoire qui sépare le monde visible du monde invisible. Qui veut gagner le Graal doit subir des épreuves. Paris n’en manque pas et des lieux comme les Halles ou Montmartre semblent délimiter le passage privilégié par où passe la poursuite du salut. Pendant la nuit s’accomplit la des-cente au Purgatoire, cette descente qui, dans certains lieux douteux, Pantin, c’est le Paris Canaille, vous fait surprendre un langue lourde de signification et de réminiscences, l’argot.. la langue des Ténèbres !
Si cette quête se termine tragiquement pour Nerval pendu à un réverbère rue de la Vieille-Lanterne, à l’emplacement de l’actuel Sarah-Bernhardt, la recherche d’un point suprême passe pour Breton, dans Najda, par l’errance dans un Paris de théâtre, décor aux personnages unis par de mystérieuses correspondances. Un Paris détenteur d’ombres et de secrets, de silhouettes qui glissent comme sur un miroir tour à tour rassurantes et inquiétantes mais qui restent des silhouettes prenant des masques de fonction, marchand d’images, femme de lettres ou danseuse.
Le Paris de Breton est un carrefour par où l’insolite s’engouffre, un lieu où il existe un maximum de chances de découvertes et de rencontres, où les possibles sont réunis à chaque coin de rue prêts à surgir sur ceux qui s’enfoncent dans le labyrinthe là où les voies se croisent, se doublent et se dédoublent — et c’est une fois encore la nuit dans une lumière qui semble truquer les perspectives que le promeneur solitaire poursuit femme, amour et identité, certaines lumières, certaines rues, une femme, Paris, rendant l’impossible plus facile. Ce sens magique de la rue, on le retrouve chez Baudelaire, premier écrivain vraiment moderne dans son approche de Paris, car si Nerval et Breton s’inscrivent dans une expérience de type mystique dans une quête initiatique dont l’issue est toujours plus incertaineet plus lointaine, la capitale est pour l’auteur du Spleen de Paris, un liieu de malédiction mais aussi un lieu par où tous les artifices s’orchestrent sous la baguette du poète, magicien qui déchiffre les correspondances et métamorphosent les objets. La perspective de salut — si elle existe — serait alors dans les transmutations des matériaux urbains, l’auteur des Paradis artificiels se comparant à un alchimiste : Tu m’as donné ta boue et j’en ai fait de l’or.
PARIS ET SES PAYSANS
Mais tout en affirmant sa haine pour le moderne, le progrès et l’artificiel, Baudelaire devine aussi combien répulsion et séduction peuvent être proches, combien l’attirance esthétique et la répugnance morale s’aimantent. Qu’il cherche son identité dans l’identité de la ville, qu’il marche dans Paris sur les traces de son destin, le héros du récit est toujours le poète. Etre en perpétuelle mutation dans la ville entraînée dans un tourbillon et qui essaie de récupérer des forces qui lui échappent, de retrouver un peu de familier dans le fantastique urbain.
Ce fantastique est partout, et le promeneur solitaire est un peu comme le Paysan de Paris à la recherche d’une révélation qui transformerait sa vie. Pour cela il ne faut rien négliger, il faut se laisser porter par les sortilèges’de la ville ; l’objet apparemment le plus banal, la boutique qui semble la plus insignifiante peuvent recéler des trésors insoupçonnables. Le philatéliste, le gardien de bains publics ou l’orthopédiste détiennent autre chose que des timbres, des éponges ou des prothèses.
Il y a dans le trouble des lieux de semblables serrures qui ferment mal sur l’infini. L’endroit le plus courant peut cacher un envers, le tunnel qui assure le passage vers un ailleurs et dont on attend le bout et la lumière peut prendre une dimension ésotériques, les enseignes éclipsent et éclairent tout à tout les rêves. Derrière les noms, les illusons clignotent, les affiches promettent le bonheur en trente-six mensualités. Bébé Cadum découvre Ripolin.
Les surréalistes ont tous été fascinés par cet immense collage ou visions et objets se réclament, se côtoient et s’ignorent. Certains quartiers communiquent plus que d’autres un peu de leur génie, de leur surréalité, ainsi les Halles, le faubourg Saint-Antoine, le quartier de l’Opéra, les Buttes-Chaumont; c’est dans ce parc public qu’Aragon relève sur les colonnes des inscriptions qui laissent deviner de l’inscrit ailleurs, le paysan se glisse entre les statues vagabonds de la métaphysique.
LA MORT DE PARIS
Mais la magie n’est pas seulement verbale ou littérairen elle est urbaine. Photos, collages et plans fixes remplacent bientôt les mots d’une succession d’images qui donne, comme au cinéma, l’illusion du mouvement et le film se décompose vite en une suite de travellings et flashes back, Ivresse religieuse des grandes villes, dira Baudelaire. L’ivresse existe chez Aragon mais Paris n’accepte plus Dieu ni transcendance. Paris se contemple dans son propre miroir, les statues renvoient aux statues, les correspondances deviennent dédoublement , le est bientôt clos. Un sentiment diffus l’angoisse s’instaure peu à peu, les glaces sont d’étain et les miroirs opaques.
L’histoire a sacralisé certaines villes autour d’un château fort, d’un marché, d’une abbaye, devenant ville-forteresse, ville marché, ville église; elles prennent alors toutes leurs fonctions autour de cet ancrage historique. Le processus de structuration n’existe pas à Paris et pourtant Paris continue à transmettre un vécu qui parle en écho et se lit en réverbération, un Paris qui révèle; ainsi sur les ponts de la Seine, Camus et Sartre font-ils prendre conscience à leurs protagonistes de l’équilibre fragile d’une existence, et du vertige de la liberté.
Paris transmet un vécu qui ne s’explique pas, qui ne dit pas son nom, ne raconte pas son histoire mais se laisse deviner comme au travers d’un filtre. Au moment où certains journaux proposent, sous forme de questionnaires, de donner à leurs lecteurs un pouvoir de participation aux décisions concernant l’avenir de leur ville, il est amusant de se reporter à l’une des questions de l’enquête imaginiée par les surréalistes pour rendre les monuments de Paris plus conformes à leur vision.
À la demande : Doit-on conserver, déplacer, modifier, transformer ou supprimer la tour Saint-Jacques ? Breton répond : À conserver telle quelle, mais démolir tout le quartier environnant et interdire pendant cent ans l’accès des environs à un kilomètre sous peine de mort.
Cet apparent non-respect ne cache-t-il pas une autre forme de sacré ? Ce vestige au milieu de ruines désertées traduit une inquiétude devant la mort de Paris.
Ruines sur les bords d’un fleuve sinueux, la ville dut avoir quelqe importance à une époque ancienne… Sur ces places désertes et ensoleillées, nous avons été envahis par la peur… (Desnos.)